Le voyage en voilier de Claude

Nous avons eu vent d’un voyage en voilier de Claude Barthet, un habitant du village seniors Sérénya où se trouvent Les Babadines de Trouy.

Voyage qui a fortement suscité notre intérêt, comme vous pouvez l’imaginer. D’autant plus que d’autres voyages plus calmes suivront, avec à bord et accompagnées, des personnes en perte d’autonomie vivant aux Babadines.

Nous avons voulu en savoir plus : comment ce résident a-t-il fait pour reprendre littéralement les voiles, après 5 ans d’immobilisation de son bateau ?

La rencontre

Prenez trois personnes

Catherine Evrard, directrice des Babadines de Trouy. Elle œuvre pour le bien-vieillir, encourage les initiatives de groupe auxquelles elle associe les familles, les habitants vulnérables, les retraités actifs, et le personnel soignant.

Sylvia Hay, psychologue externalisée des systèmes Ehpad. Elle découvre le concept Les Babadines en 2017, lors d’une présentation faîte à l’occasion d’un colloque gérontologie à l’université de Tours. Le concept correspond à ses valeurs, notamment le libre-choix dont bénéficient les habitants. Elle intervient deux fois par semaine aux Babadines, travaille sur le confort psychologique des résidents (en complément de l’aide au confort de vie quotidienne apporté par les auxiliaires de vie.), pour favoriser leur vie sociale et modérer les réflexes de repli quand les ressources personnelles sont fluctuantes.

Claude Barthet, résident du village senior où se trouvent Les Babadines. Mécanicien Air France à la retraite, il naviguait déjà depuis 16 ans lorsqu’il s’offre, à 60 ans, son premier bateau. Il souhaite traverser l’Atlantique, du Portugal jusqu’au Brésil et s’achète pour cela un bateau Hauturier pour naviguer en haute mer. Ce bateau est baptisé le CELCEAN, un acronyme du nom de ses 4 enfants : Céline, Elvire, Cécile et Antoine.

Mais sa santé se fragilise, il subit 4 pontages en 1995 et son bateau reste amarré au Portugal. Habitant de Trouy, il reste dans sa ville et s’installe en 2021, à 72 ans, au village senior Sérénya.

Claude est une personnalité militante : il faisait partie des jeunesses Chrétiennes, a été syndicaliste et élu local jusqu’à 1995. Être au service du groupe est assez naturel pour lui.

Ayant fait carrière à Air France, l’aventure humaine est inscrite dans sa construction identitaire.

Un lieu

Au village senior, Claude Barthet croise souvent Sylvia Hay. Au cours de leurs échanges, ils se découvrent de nombreux points communs : ce sont des personnalités au service du groupe.

« On s’est rencontré autour du verger et nous avons vu que nous fonctionnions bien ensemble, mêmes méthodes, mêmes valeurs, les mêmes projections sur le collectif. » dira Sylvia Hay.

Ils initient ensemble le projet d’un auto-verger commun à tous les habitants de la Promenade du château, et parlent du projet d’aventure de Claude.

Ainsi, c’est au milieu des pommiers, cerisiers, figuiers, framboisiers, arbousiers, de la lavande et du safran que le projet du voyage en voilier prend forme, initié par deux personnalités engagées et favorisées par les valeurs des Babadines.

Un besoin

Claude est propriétaire d’un voilier, son bateau était amarré depuis 5 ans au sud du Portugal où il passait tous ses hivers. Il ne pouvait ni le rapatrier seul, ni s’offrir les prestations d’un autre skipper pour le rapatrier.

Les échanges avec Sylvia ouvrent une autre possibilité : faire le voyage avec un skipper bénévole qui accepte de l’accompagner en mission de soutien, et Sylvia comme accompagnatrice.

Le voyage

Beaucoup d’enthousiasme et les précautions nécessaires

Ça y est, Claude a cette idée en tête, ses enfants s’enthousiasment aussi. Ils ne peuvent pas se joindre au voyage … bien que le projet de leur père suscite leur engouement.

Claude se pose des questions sur sa santé, sa capacité à faire le voyage, le skipper qui pourrait l’accompagner…. Sylvia se renseigne, contacte un premier skipper qui, bien que très tenté, ne peut pas se joindre à l’aventure. Un deuxième skipper en formation saute les deux pieds joints dans le projet : Augusto De Alencar Pereira.

Sylvia prend contact avec le docteur Michel Allard qui accepte d’assurer le suivi toute la durée du voyage.

Le médecin traitant de Claude lui fournit, comme chaque été, les traitements nécessaires pour toute la saison.

La responsabilité en tant que psychologue intervenante de Sylvia étant engagée, son assurance couvre les suivis individuels et les accompagnants.

Et c’est parti !

Le 12 septembre, Sylvia et Augusto rejoignent Claude qui est déjà sur place.

Ils naviguent ensemble du port d’attache, de Villa Real de Santo Antonio côté Sud Portugal, jusqu’à Mazagon un port d’Espagne.

L’équipage change ensuite, Alain, un ami de Claude le rejoint à Chipiana pour prendre le relais, ils continuent sur Gibraltar et s’amarrent du côté marocain.

Lorsque Claude évoque ces quelques jours en mer, il raconte un voyage relativement tranquille en l’absence de vent et de grosses vagues – exception faite d’un creux de 2 mètres et 18 nm de vent, qui ont exigés une grande vigilance, les discussions lorsqu’ils sont installés sur le cockpit, des échanges sur la voile et le bateau, la petite formation donnée sur l’homme à la mer (« Que faire si quelqu’un tombe à l’eau ? » … ah oui plutôt utile !), les repas simples, salades ou sandwich (« Toujours améliorés par l’esprit nourricier de Claude » précisera Sylvia… les plats chauds sont préparés dans une cocotte- minute. (Au sujet de la cocotte-minute sur un voilier : « Elle se ferme bien, c’est nécessaire sur un bateau » nous dit-il, amusé.).

Ils ont croisé des dauphins, qui viennent dire bonjour et repartent, et pour la première fois, Claude a vu une tortue de plus d’un mètre, beige et vert, passée sous le bateau.

Si Claude ne se voit plus faire de grandes navigations, il a pu naviguer de nouveau. Et faire de nouvelles découvertes. Plutôt que de renoncer, il s’adapte…

Après son aventure, Claude a pu rentrer à Trouy, poser ses valises, faire ses contrôles médicaux, faire réviser son traitement…. Et réfléchir à son prochain voyage.

Les prochaines aventures

Vous pensez bien que Claude ne compte pas s’arrêter là !

D’autant plus que Sylvia est déjà partante pour de nouvelles aventures, et qu’une des infirmières qui intervient aux Babadines, très enthousiasmée par le projet, a demandé à faire partie du prochain voyage.

Claude a pour projet de remonter l’estuaire de la Gironde, et d’organiser avec Sylvia, dès le printemps 2023, des sorties pour personnes en transition vulnérable (ce peut être la maladie, le vieillissement, la dépression, la transition dans l’emploi…) sur le canal de la Charente. Il prévoit d’abord un voyage de reconnaissance.

Mais avant, il a repris ses valises fin novembre 2022 pour aller remettre son bateau en état, changer de port pour aller à Nador profiter du soleil.

Bon vent Claude !

Au delà du voyage

Qu’est-ce que cette aventure apporte, au-delà du voyage ?

« C’est l’aventure humaine sur terre, physique, scientifique, poétique : à pied, en fauteuil roulant, en bateau, on peut vivre une expérience après la retraite, la transmettre aux petits et aux grands, à ceux qui sont mobiles ou pas, aux soignants qui du coup ont une autre représentation du corps, de l’esprit et de l’harmonie cœur/corps/conscience.

Cela valorise tout le travail des soignants pour que la personne puisse envisager cette perspective de voyage.

Dans le vieillissement, c’est très important de continuer à générer des images, ce qui est plus compliqué pour le cerveau de la personne âgée, tout ce qui est symbolique, imaginaire et imagé est de moins en moins accessible au rappel si ce n’est pas entretenu ou entraîné (notamment par le désir projeté au lendemain qui chante plus ou moins selon l’état de santé).

Tous ces aspects de voiliers, de perspective d’aventure aident aussi ceux qui restent à terre. C’est valorisant pour celui qui part à l’aventure de pouvoir transmettre son expérience, d’être maître du jeu pendant l’aventure. » Dans une joie suscitée en chacun de nous, du regard tourné vers « le goût de l’autre » dans la même destination »

Sylvia Hay

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